LE CARDINAL LAVIGERIE LES SOEURS BLANCHES

Publié le par GILBERT MAISON CARREE

C'est en 1881, le 8 septembre, que le Cardinal Lavigerie installa le Noviciat des Sœurs Blanches de N.D d'Afrique, à Birmandreis dans le domaine St Charles. De toutes ses oeuvres, cette dernière sera la plus chère à son cœur
Suivant les vœux de son fondateur, la congrégation (fondée en 1869) des Sœurs Blanches était vouée aux autochtones et en particulier à leur éducation, d'ou la présence de l'orphelinat St Charles à Birmandreis, à coté de la Maison Mère, du Noviciat, du Sanatorium et du Cimetière.
Les 4 premières postulantes, toutes originaires de Bretagne, étaient arrivées le 9 septembre 1868 après une nuit de bateau mouvementée. Elles allaient tout de suite affronter la vie rude qui serait la leur désormais : débroussaillage, labours, vendanges et moissons, cuisson du pain, soin des bêtes, tout en s'occupant des dizaines d'orphelins que l'évêque d'Alger recevait chaque jour suite à l'épidémie de choléra et à la famine qui s'en était suivie. Le nom officiel de la Congrégation n'était-il pas "Sœurs Agricoles et Hospitalières du Vénérable Géronimo" (un martyr d'Alger au 16ème siècle) ? Il fallait bien subvenir à l'entretien des orphelins .


Marie Renée Roudaut qui deviendra plus tard "Mère Marie Salomé", 1ère supérieure des Sœurs Blanches, répond à l'appel que l'Archevêque avait lancé en Bretagne par l'intermédiaire d'un prêtre du diocèse d'Alger, l'Abbé Le Mauff. Née à Kervaro en Guissény (Finistère), dans une famille de cultivateurs qui comptera 8 enfants, Marie-Renée fit son postulat en Ardèche près des Sœurs de St Joseph, et son noviciat à Alger. La Congrégation n'avait pas encore d'existence mais Mgr Lavigerie avait de grands projets, non seulement pour l'Algérie, mais aussi pour l'intérieur du continent, Alger n'étant à ses yeux, comme il le disait " qu'une porte ouverte" sur l'Afrique. Ainsi naîtront les Sœurs blanches.
Jeunes postulantes et novices, du matin au soir, Sœur Marie-Salomé, comme les autres, était aux champs ou à la vigne avec les enfants. En 1874, elle fut envoyée à St Cyprien des Attafs, chargée des petits garçons qui travaillaient avec les Sœurs et gardaient le troupeau. Elle faisait aussi le pain pour les Pères, les Sœurs, et tout le village.
Entre temps, Mgr Lavigerie qui voyait loin, et pour répondre aux besoins du temps, essayait d'ouvrir de petites écoles pour les filles mais les Sœurs étaient trop peu instruites et n'avaient pas les diplômes nécessaires. Sœur Marie-Salomé avait elle-même peu d'instruction (on ne parlait pas français à la maison !). L'archevêque essaya des fusions avec diverses Congrégations enseignantes mais ce fut un échec : les buts étaient trop différents. En 1878, Sœur Marie-Salomé fut envoyée fonder une communauté aux Ouadhias en Kabylie. L'archevêque l'avait vue à l’œuvre et avait grande confiance en elle.
Il devenait évident, cependant, que la Congrégation manquait de personnel instruit apte à l'enseignement ou aux fonctions de responsabilité. Autres essais de fusion, autres échecs. Le 14 septembre 1882, à son corps défendant, Sœur Marie-Salomé fut élue supérieure générale d'une Congrégation encore bien fragile et qui ne comptait pas plus de 80 membres. Elle-même, Mère Marie-Salomé, se sentait bien pauvre devant la tâche qui l'attendait bien qu'elle eut l'appui des Pères Blancs auxquels le Cardinal avait confié la Congrégation.
L'insuccès des Sœurs au brevet qui permettait d'enseigner fit comprendre au Cardinal qu'il faudrait probablement renoncer à la Congrégation, du moins sous sa forme présente. Mère Marie Salomé le sentait profondément découragé ; elle qui croyait en l'avenir de la Congrégation, cherchait à faire renaître en lui la confiance, lui rappelant ses grands projets pour l'Afrique. Pourtant, en avril, le Cardinal ordonnait la fermeture du noviciat. C'était l'arrêt de mort ! Avec Sœur Gonzague, autre Sœur du Conseil, elle se rendit chez le Cardinal où elle fut fort mal reçue puis à N.D. d'Afrique, la suppliant de conserver la Congrégation. Avec ses Sœurs, elle passa la nuit suivante à mettre par écrit les raisons qu'elle donnait pour cela. Le Cardinal était stupéfait et agacé par son "entêtement" mais impressionné par sa foi tenace. Il suspendit sa décision.
Entre temps divers événements redonnèrent espoir. Mère Marie-Salomé put alors ouvrir des postulats en France puis en Hollande pour les jeunes de Hollande, d'Allemagne et de Belgique. Le Cardinal n'était pas toujours tendre avec Mère Marie-Salomé mais elle savait l'apaiser par son calme, son bon sens et son esprit de foi. "C'est vous-même, lui écrivait-il, qui par vos instances répétées et excessives m'avez contraint à conserver la Communauté de vos Sœurs..."
A partir de ce moment, les fondations se succédèrent : après la Kabylie, les Attafs et les postulats en Europe, plusieurs fondations en Tunisie puis à Biskra, au Sahara.
Le 26 novembre 1892, le Cardinal s'éteignait à sa résidence de St Eugène. Mère Marie-Salomé en fut très affectée. Elle se trouvait alors à la tête d'une Congrégation internationale de 146 membres. Jusqu'en 1925, elle fut constamment réélue supérieure générale car mieux que personne elle savait transmettre l'esprit du Cardinal. Elle prolongea son action jusqu'en Afrique Equatoriale dès 1894 puis en Afrique Occidentale en 1897. Craignant depuis sa jeunesse et par tempérament les responsabilités, elle put surmonter bien des difficultés et conflits grâce à sa profonde humilité. Elle avait su reconnaître en Mgr Lavigerie, sous son écorce parfois assez rude, un cœur sensible, plein de tendresse pour tous et d'amour brûlant pour l'Afrique.
Mère Marie Salomé s'éteignit le 18 octobre 1930. Elle était âgée de 83 ans. Elle a reposé jusqu'en 1993 dans le cimetière de Saint-Charles puis ses restes ont été déposés à Notre-Dame d'Afrique où elle était montée si souvent.
Le domaine St Charles est aujourd'hui un Hôpital universitaire. La maison mère des Sœurs Blanches est à Rome.

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